World of mine

Sexisme au Greyhound 2017, March 7th

Sexisme au Greyhound

Un samedi matin pétillant de soleil, New-York, Port-Authority à la porte 22.
Une petite foule inoffensive se faufile à la queue leu leu dans le Greyhound propre et bien aéré,
bien paré, à destination de Montréal Québec.

Des passagers familiers, aux sourires faciles, des grand-mères en vacances, des amoureux en visite, des enfants encore pétris de sommeil et des étudiants qui rentrent de week-end.
Tout le monde trouve leur place.
Tout est bien parti pour une navigation sans rides.

Un jeune homme bien portant, calme et bien éduqué, avec des techniques nouvelles,
nouvellement testées en efficacité, nous déclame le discours de référence.
Pas de cellulaire, de radios qui jappent, tenir le rail quand le bus est en mouvement, etc, etc
Il s'installe au volant et nous fait une gouverne ferme et sereine jusqu'à Albany.

Après une heure d’attente pour faire le plein un nouveau conducteur prend le relais.
Cette fois ci, une femme à la voix pétillante et chantante, enjouée, flirty.
Elle nous relit le même discours en improvisant un petit peu, rajoutant sa touche fleurie sur les bords, et prend allègrement les reines direction Plattsburgh.

Après quatre heures de route bien consommée,
Elle reprend le micro et nous annonce que le bus a quelques petits problèmes techniques,
qu’un petit détour sur une petite voie, va nous acheminer au petit McDo où l’on attendra, … deux petites heures pour qu'un autre bus vienne à notre rescousse.
Elle regrette sincèrement ce petit inconvénient, mais qu’il est préférable d’en avoir le coeur net.

SILENCE!!!!!! total

Puis graduellement s'élève une marée bourdonnante, s’entre échangeant des propos indistinctes et perplexes.
Le ton monte d'un demi-ton, cette fois- ci, laissant échapper quelques petites bribes prononcées et pertinentes :

What could possibly be the problem! We were just fine!...

D’une nervosité non contenue, notre conductrice élabore à nouveau les mêmes informations.
Sa voix se fait plus ferme, presque sévère, comme celle avec laquelle on réprimande
des enfants turbulents.
Claire, ponctuée, détachant cha-que mot, elle acheva son envolée par ‘’...vous remerciant de votre compréhension patata....on s'excuse de cet incident souhaitant que cela
patati patata...pour cet inconvénient!’’

Une voix chevrotante s'élève bien au-dessus, faisant taire toutes les autres.
Celle d’une femme qui n’avait nullement envie de modérer son indignation :
Depuis quand laissait-on des femmes manœuvrer d’aussi gros bus ?

Soudainement, le bourdonnement comme un volcan explose : mots pêle-mêle...agressifs, une brassée de dialectes, une chorale de sourds, dans une tour de Babel.

Et cette fois-ci je me suis jetée dedans pour marquer l'événement, ce coup de massue,
comme un son de cloche "midi tapant". Je me suis jetée dedans comme dans un rara, un carnaval.
Je parle fort sachant que l’on ne m’entend pas, me retournant vers mon compagnon de route
qui lui acquiesce sans me comprendre. Je secoue la tête en approbation à ce qu'il est en train de gueuler et que je n'entends pas non plus.

Je ne suis pas certaine qu'on est tous sur la même longueur d'onde.
Mais quelle furie! Quelle belle rage! et quelle fulgurante manifestation face à l'éminence du sexisme, en 2015...
Une révélation du malaise qui sournoisement ronge le monde qui nous entoure.

Emeline